La place de parking
La maternité Ambroise Paré est comme un ilôt posé on ne sait pourquoi en plein coeur d'un quartier plein de vie. Comme toute maternité de cet accabit, avantages et inconvénients. Avantage : proximité de tous commerces. Pratique quand manquent une tétine, un drap ou une paire de chaussons. Inconvénient : pas de place pour se garer. Ou peu. Déjà au moment des visites chez le gynécologue, ils n'était pas rare de multiplier les tours dans le quartier jusqu'à ce que, au bout de 20 minutes, une place se libère. Une place à au moins 200 mètres de l'entrée de la clinique, bien entendu. Ne rien faciliter, surtout. Ce soir là, voilà où résidait ma première crainte. Pas dans une douleur insurmontable pour Elle, ni dans celle d'un bébé qui se présenterait mal, non. Allez savoir pourquoi, j'étais obnubilé par la peur de devoir tourner et tourner encore pour pouvoir me garer et accompagner décemment Celle qui s'apprétait à donner la vie, chargé de valises et colis en tous genres.
Et voilà que se produisit le miracle qui sait vous faire comprendre que l'existence a décidé de vous prendre en main. Une place, là, devant nous. Et pas n'importe quelle place, non : LA place. Vous savez, celle que vous n'oseriez jamais rechercher, comme lorsque, entrant dans un parking souterrain, on fait tout de suite l'impasse sur le premier niveau, le devinant bondé. Elle nous attendait, large, juste devant la porte des entrées de nuit. Une seule route à traverser, dix mètres à parcourir, et nous voilà sollicitant l'interphone : "Bonsoir... c'est pour un accouchement".
La porte s'ouvre. Un sas impersonnel. "Nous allons vous prendre en charge, Madame. Asseyez vous en attendant". Pas de "Monsieur". Ah oui, j'oubliais : messieurs, laissez votre égo de côté au moment où l'évènement se précise. De toute façon, vous l'aurait certainement déjà fait durant les neuf mois précédant : VOUS N'EXISTEZ PAS. Ou alors, un tout petit peu. Pour rassurer les gens, leur envoyer des photographies du petit bidou ou, dans l'instant présent, porter les valises. Mais sinon, personne ou presque ne s'enquierra de savoir ce que cela vous fait de devenir bientôt père, de voir les courbes de votre femme évoluer, s'étirer, etc. Tout le monde s'en contrefout. Mais je savais que cela était sur le point de changer, enfin. Non pas que ma personne interesserait désormais quelqu'un, non. Mais Elle partagerait très bientôt cette frustration que j'avais sû apprivoiser. Il n'y en aurait bientôt plus que pour le bébé.