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Les tribulations d'un jeune père

18 septembre 2012

La place de parking

La maternité Ambroise Paré est comme un ilôt posé on ne sait pourquoi en plein coeur d'un quartier plein de vie. Comme toute maternité de cet accabit, avantages et inconvénients. Avantage : proximité de tous commerces. Pratique quand manquent une tétine, un drap ou une paire de chaussons. Inconvénient : pas de place pour se garer. Ou peu. Déjà au moment des visites chez le gynécologue, ils n'était pas rare de multiplier les tours dans le quartier jusqu'à ce que, au bout de 20 minutes, une place se libère. Une place à au moins 200 mètres de l'entrée de la clinique, bien entendu. Ne rien faciliter, surtout. Ce soir là, voilà où résidait ma première crainte. Pas dans une douleur insurmontable pour Elle, ni dans celle d'un bébé qui se présenterait mal, non. Allez savoir pourquoi, j'étais obnubilé par la peur de devoir tourner et tourner encore pour pouvoir me garer et accompagner décemment Celle qui s'apprétait à donner la vie, chargé de valises et colis en tous genres. 

 

Et voilà que se produisit le miracle qui sait vous faire comprendre que l'existence a décidé de vous prendre en main. Une place, là, devant nous. Et pas n'importe quelle place, non : LA place. Vous savez, celle que vous n'oseriez jamais rechercher, comme lorsque, entrant dans un parking souterrain, on fait tout de suite l'impasse sur le premier niveau, le devinant bondé. Elle nous attendait, large, juste devant la porte des entrées de nuit. Une seule route à traverser, dix mètres à parcourir, et nous voilà sollicitant l'interphone : "Bonsoir... c'est pour un accouchement".

 

La porte s'ouvre. Un sas impersonnel. "Nous allons vous prendre en charge, Madame. Asseyez vous en attendant". Pas de "Monsieur". Ah oui, j'oubliais : messieurs, laissez votre égo de côté au moment où l'évènement se précise. De toute façon, vous l'aurait certainement déjà fait durant les neuf mois précédant : VOUS N'EXISTEZ PAS. Ou alors, un tout petit peu. Pour rassurer les gens, leur envoyer des photographies du petit bidou ou, dans l'instant présent, porter les valises. Mais sinon, personne ou presque ne s'enquierra de savoir ce que cela vous fait de devenir bientôt père, de voir les courbes de votre femme évoluer, s'étirer, etc. Tout le monde s'en contrefout. Mais je savais que cela était sur le point de changer, enfin. Non pas que ma personne interesserait désormais quelqu'un, non. Mais Elle partagerait très bientôt cette frustration que j'avais sû apprivoiser. Il n'y en aurait bientôt plus que pour le bébé. 

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18 septembre 2012

"Yann... Elle arrive".

"Yann... je suis désolée mais... je crois que ça arrive. Qu'elle arrive". Elle n'a pas à être désolée. Oh, bien sûr, mon rêve était agréable : j'y étais un papa poule jouant aux playmobils du far west avec une adorable petite fille aux cheveux noirs comme la nuit. Playmobils du Far West, car il faut bien que papa aussi s'amuse comme un petit fou, et le féminisme, c'est aussi briser les barrières traditionelles, ne pas téléguider une jeune poupée vers les chateaux roses bonbons simplement parce que "ça fait fille". Mais le rêve était à l'évidence moins doux que ces mots : "Yann... je suis désolée mais... je crois que ça arrive. Qu'elle arrive".

Rien qu'à me plonger dans Son regard, je savais que c'était le grand jour. Ou plutôt, la longue nuit. "D'accord, pas de soucis : je charge la voiture, tu te relaxes pendant ce temps là... On décolle". Le chargement fut express : il faut dire que nous avons un point commun, mon amoureuse et moi. Nous sommes légèrement prévoyants, pour ne pas dire anxieux. Voilà presque un mois qu'elles étaient prêtes, les valises : la petite pour la salle d'accouchemenent, avec bodies en taille naissance et 1 mois (sait-on jamais), pyjamas larges pour la future maman, papiers divers, turbulette, et même vétements de rechange pour le futur papa. "Futur papa". Impatient d'oter le "futur" à cette expression là, mais le seul ventre joliment arrondit qu'elle affichait depuis 8 mois et 3 semaines ne me permettait toujours de réaliser. Désormais, je le savais : dans quelques heures, je saurais. Je serais. Je serais père.

Bien entendu, la petite valise ne pouvait suffire. Elle avait sa grande soeur argentée, prévue pour tenir un siège d'une semaine face à d'hostiles auxiliaires de puériculture. Le sac à main de madame, mes propres papiers, l'appareil photo indispensable pour immortaliser chaque instant même si je m'étais bien fait la réflexion qu'il me faudrait avant tout vivre le moment, en imprimer chaque parcelle sur ma pellicule mémorielle. Et pour finir, une alèse savamment posée sur le siège passager, sait-on jamais.

Contact. Chauffage mis en branle. Et nous voilà partis. Pas un chat, pas un lapin, pas une voiture sur la route. Juste nous deux. Ou plutôt nous trois. Moi, je joue à l'homme serein, que rien n'effraie, certain que tout se passera bien. J'en suis même persuadé, à force d'endosser le masque. Et je la convainc : cela a au moins le mérite de l'apaiser un peu. Elle en a bien besoin : je devine à son souffle court, saccadé, forcé, que la souffrance s'installe. Et l'appréhension avec. Qu'elles semblent désormais longues, ces 35 minutes qui nous séparent de la clinique, pourtant maintes fois déjà vécues à l'occasion des régulières visites chez le docteur A. Que je me sens inutile face à ce qui se trame dans Son corps, au plus profond de ses entrailles, entre Elle et le fruit de notre véritable amour. J'imagines bébé qui se prépare : "Allez, c'est parti, branle bas de combat : vous êtes parés, dehors ? A mon commandement...."

"Respire profondément". "Souffle". "Relaxe toi, détends-toi". Voilà mon maigre arsenal. A-t-on déjà dit aux futurs papa que, quoi qu'ils disent, ils aurant l'impression légitime et desespérante que ce moment leur est étranger, qu'il leur glisse des doigts car il ne peux leur être concevable. Tout au plus ils aident, accompagnent quand l'esprit de la combattante vacille et perd en lucidité. Mais jamais je ne me suis senti aussi ... accessoir que cette nuit là. Et important dans le même temps. Car oui : sans moi, au fond, sans mon amour, pas de ventre qui pousse, pas de vie qui prend racine, pas de crises de larmes succédant aux instants de profond désespoir, pas ces souffrances que je fais bien plus que deviner sur le siège passager. Il nous tarde d'arriver.

 

 

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Les tribulations d'un jeune père
  • Devenir père, voilà une aventure qui mérite d'être contée. Les joies, les doutes, les inquiétudes, les rires... Les pères d'aujourd'hui vivent pleinement leur paternité. Voici le récit de la mienne, au jour le jour.
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